Twin Peaks : The Return
Bilan d’un voyage onirique révolutionnant le monde de la télévision 4 mois après cet OVNI télévisuel et à l’occasion de la sortie US du Blu-Ray de cette dernière saison ce 3 décembre, voici le moment de faire un compte-rendu d’une œuvre unique, émouvante et perturbante ayant laissé, une fois de plus, son empreinte sur nos petits écrans.
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QU’EST CE QUE TWIN PEAKS ?
Tout d’abord, parlons de l’histoire originale. Celle qui débuta cette nouvelle ère dans les séries. Créé en 1990 par David Lynch et Mark Frost, Twin Peaks est une série qui a traumatisé des millions de téléspectateurs et qui a révolutionné le genre.
L’histoire paraît pourtant assez simple avec un meurtre commis à Twin Peaks, une petite bourgade de l’État de Washington en apparence tranquille. La jeune Laura Palmer est retrouvé morte nue au bord d'un lac, enveloppé dans du plastique. L'agent spécial du FBI, Dale Cooper, envoyé sur place pour démasquer le coupable, mène l'enquête avec le soutien du shérif local, Harry Truman. Cependant, ces investigations les amènent à révéler au grand jour les sombres secrets des uns et des autres tandis que dans le même temps, d'inquiétants phénomènes se produisent…
Composé de 2 saisons contenant 30 parties (un épisode s’appelle une partie), David Lynch décida de sortir en 1990 un film servant de préquel.
ATTENTION ! Ce dernier est cependant à voir après la série. Rien que cet ordre assez complexe donne un avant-goût de ce qu’est cette stupéfiante œuvre.
Suite à une partie finale magistrale dans la saison 2, certainement encore la meilleure actuellement, Twin Peaks s’instaura parmi les séries voir les œuvres cultes de notre époque.
C’est dans cette prodigieuse fin que Laura Palmer nous donne rendez-vous 25 ans plus tard et après de nombreuses années d’attentes pour tous les fans, la promesse fût tenue : David Lynch est revenu en 2017 avec une saison 3 préparé dans le plus grand des secrets.
Personne ne pouvait prédire l’histoire : ceux qui ont tentés ont eût tords, et presque personne ne l’a encore réellement comprise. Tout ne tient que sur des thèses plus ou moins complexes et convaincantes. Nous surprenant de parties en parties, « Twin Peaks : The Return » a chamboulé le monde de la série et est de loin l’œuvre de l’année.
DE QUOI PARLE CETTE NOUVELLE SAISON ?
En totale roue libre dans cette saison, le créateur du splendide « Mulholland Drive » nous présente un monde terriblement sombre mais pourtant si réel où accidents, drogues, armes et meurtres sont le quotidien de ces américains. Une femme obèse criant sur un policier car elle ne doit pas être en retard pour le dîner de 18 heures alors qu’un enfant a malencontreusement trouvé une arme et tiré avec, un jeune enfant vivant avec une mère droguée, un autre enfant jouant avec sa mère et se faisant violemment percuter par une voiture… Certaines scènes peuvent-être d’une extrême violence, en passant notamment par les enfants, mais Lynch va au bout de sa représentation sans se soucier de ce que pourrait penser les spectateurs. En plus de cela s’ajoute un corps sans vie et sans tête, un monstre lacérant deux jeunes tourtereaux ou une sorte de bûcheron brûlé brisant le crâne d’un présentateur par exemple. Cependant, ce n’est pas ce « gore » qui nous marque quand on regarde cette série. Il n’est qu’un simple élément s’ajoutant à cette ambiance sombre et étrange qui, elle, nous imprègne, nous intrigue et nous fascine.
Lynch se retranscrit dans cette série, créant des métaphores sur ses expériences passées et sur sa vision du monde ou encore sur sa place dans le monde du cinéma actuel. On sent que c’est la consécration de son œuvre. Nous le retrouvons au sommet de son art dans cette saison, pouvant faire tout ce dont il avait envie comme prévu avec la chaine Showtime qui produit cette saison, malgré des négociations très âpres. La série sortie en 1990 était divisé par 2 styles différents avec d’un côté quelques épisodes réalisés par David Lynch lui-même qui sont les plus réussis, dans le prolongement de son oeuvre cinématographique de l'époque, et de l'autre côté les épisodes mis en scène par Mark Frost où l’histoire et les personnages sont plus développés.
QU’EST CE QUI CARACTÉRISE CETTE SÉRIE ?
Une folie à la « Eraserhead », des mouvements de caméra rapides et imperceptibles vers l’avant, une incompréhension à la « Inland Empire », des rideaux rouges, un visuel extrêmement sombre à la « Lost Highway », des doubles personnalités… Tous ces éléments, qui constituent cette ambiance qualifiée de « lynchienne », se mélangent entre elles et forment une orgie de maîtrise technique et de création ne pouvant que laisser le spectateur bouche-bée. Il est vrai que cette œuvre ne peut être aimé de tous néanmoins elle ne peut laisser indifférent, comme quasiment toutes les œuvres de Lynch finalement. Cette nouvelle épopée est, non pas une nouvelle saison, mais une expérience unique à vivre.
Nous sommes perturbés face à tant d’incompréhension, comme il était souhaité, et une vague d’émotions diverses et variées nous frappe à chaque partie. Une fois effrayé, heureux, gêné puis triste, Twin Peaks : The Return est un mélange sensoriel frappant et transcendant, nous prenant aux tripes et nous laissant alors à peine le temps de respirer. Déboussolé, nous nous perdons et suivons le rythme qu’on nous a imposé, sans dire un mot, les yeux grands ouverts devant tant de maîtrise et d’audace.
Audacieux car Lynch casse les codes habituels de la série en ne laissant pas, par exemple, une scène coupé au dernier moment pour faire grandir le suspens à la fin de chaque épisode comme dans toutes les séries. Non. Un concert termine quasiment toutes les parties, n’ayant parfois aucune utilité mais donnant ce côté atypique et unique pourtant déjà bien présent. Pouvant passer d’une scène à une autre sans lien logique voir même d’une partie à une autre sans suivre les mystères de la précédente, nous sommes perturbés face à tant d’innovation. Nous devons user de notre mémoire pour nous rappeler ces éléments vues précédemment en tentant ensuite de comprendre le pourquoi du comment. Seulement, toutes les questions n’ont pas forcément de réponses parce que Lynch créé de nombreuses intrigues avec de nombreux personnages pour finalement n’en utiliser réellement que certaines d’entre elles. Nous n’aurons donc jamais de réponse sur le comportement étrange et inquiétant de Sarah Palmer, l’insecte répugnant rentrant dans la bouche d’une enfant en 1956 ou encore Audrey Horne perdu dans ce qui ressemble à un rêve et se réveillant dans une salle blanche, à moins que des théories fondées et cohérentes nous fasses changer d’avis. Toutefois, chercher une solution n’est pas forcément la meilleure idée. Pourquoi forcément chercher une réponse à tout ? Pourquoi vouloir tout comprendre ? Laissons-nous le droit d’imaginer, d’inventer, de rêver.
POURQUOI C’EST SI BIEN ?
Cette œuvre s’éloigne de l’histoire originale de Twin Peaks et parcourt de nouveaux horizons, sans limites, ce qui peut déranger certains fans incongrus de la série. Mélangeant flash-back et moments présents, le mystère survient. Où sommes-nous ? Est-ce le passé, le présent, le futur, l’imaginaire ? Pourquoi certains passages sont en noir et blanc ?
La nostalgie de retrouver ces anciens personnages est bien sur présente mais n’est au final que secondaire. Ce n’est pas ça qui est mis en avant, c’est l’histoire. Que rajouter sur la musique d’Angelo Angelo Badalamenti ainsi que sur ces sons pour le moins singulier et dérangeant, omniprésent dans la série ? Le travail sonore est immense et touche à la perfection. Kyle MacLachlan est lui aussi merveilleux. Il joue 3 personnages avec des émotions et des comportements bien distincts. Sa performance de Dale Cooper, le personnage iconique de cette série, touchant parfois à l’hommage aux films en noir et blanc, nous émeut et sublime la série.
FINALEMENT
Comme nous le démontre cette fin magistrale, Twin Peaks est une boucle qui se répétera interminablement, indéfiniment. Il est très dur de ne pas tout raconter tant cela est extraordinaire donc cela s’arrêtera là. On ne peut qu’admirer cette nouvelle création de David Lynch, répétant son exploit de 1990 : révolutionner le monde télévisuel.
Léo Evin