Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

Force est de constater que les Scandinaves ne marquent pas, exceptions faites de quelques rares Stieg Larsson et son Millénium ou autres Camilla Läckberg, notre paysage littéraire d'une empreinte bien importante. Pourtant depuis un certain temps déjà, un ouvrage à la couverture criarde se tient en bonne place dans nos rayons et sur nos gondoles. Phénomène discret issu du froid suédois, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, se classe 4e des ventes en France en 2012, mais parade dans les kiosques depuis plus longtemps. Pour autant, le palmarès des ventes de livres n'est pas forcément lié à une quelconque qualité littéraire, en témoigne le fait qu'ils soient depuis quelques années trustés par des auteurs tels que Musso (berk) ou Lévy (re-berk) que l'histoire aura surement vite oublié. Dès lors, s'interroger sur la place réelle que nous devons accorder à cet ouvrage, premier roman de Jonas Jonasson, un illustre inconnu, peut paraître pertinent, si les classements ne peuvent fournir un gage de qualité...

 

 

            Allan Karlsson, résidant en maison de retraite dans le Södermanland (à l'Est de la Suède), se prépare à fêter son centième anniversaire, ou plutôt, à éviter de le fêter. Rien d'engageant pour lui de souffler ses bougies entouré par la presse locale, des vieux séniles et l'horrible soeur Alice, directrice de l'établissement, qui lui interdit d'avoir sa propre réserve de schnaps ! C'en est trop pour Allan qui décide de fuir cette vie, qui l'ennui profondément. Il n'a pas traversé les événements les plus importants du dernier siècle, dans lesquels il a bien souvent joué un rôle crucial, serré la main des plus grands qui sont parfois devenus ses amis, pour finir ses jours de cette manière. Alors ni une ni deux, il passe par sa fenêtre pour atterrir avec ses charentaises dans les plates-bandes de fleurs. C'est le coup d'envoi d'une aventure rocambolesque dans laquelle notre ami va croiser la route de gens qui vont s'associer à lui, et d'autres, moins amicaux, qui vont tenter de récupérer une certaine valise, que notre centenaire aigri leur a volé sans le faire exprès... A ceux-la s'ajoutent un commissaire désabusé chargé de retrouver le fugueur et un procureur qui y voit l'assurance d'un bond dans sa carrière.

            Le titre à lui seul fournit tout un programme, sorte de paradoxe absurde, caprice de quadragénaire qui refuserait de voir l'aiguille tourner et les cheveux blanchir. Il ne s'agit pas là d'un refus de vieillir qui frapperait soudainement le centenaire, Allan assume parfaitement son âge qui lui va si bien.

Jonas Jonasson, écrivain et journaliste suédois.

            Si lire des romans peut faire voyager, se cultiver, rêver, fantasmer... le rire est rarement de la partie. Jonas Jonasson nous en offre ici une bonne tranche par le biais de ce personnage éminemment sympathique, tellement savoureux mais surtout très dingue. Les chapitres de sa fuite sont entrecoupés d'autres sur son passé, de sa naissance jusqu'à ce fameux jour de 2005 ou cette fenêtre ouverte lui a été préférable au salon de ce qu'il se représente comme une prison. Sa vie passée est à l'image de sa vie présente : ne pas réfléchir à demain, ne rien projeter, aller là où les jambes et les caprices du sort nous mènent. Tels sont les ingrédients de ce savant cocktail d'exquises absurdités qui nous accrochent du début à la fin.

            Par un style simple mais percutant (devrais-je dire « explosif ») et drôle à souhait, Jonas Jonasson aurait déjà pu nous livrer une histoire très agréable, mais à cela s'ajoute une inventivité de génie qui nous offre un petit régal. Cette oeuvre remarquable (un premier roman rappelons le!) mérite bel et bien sa place dans les classements et je frémi de plaisir à l'idée du film qui sera tiré du livre dans les années à venir. Après la franche réussite de ce premier roman, l'auteur travaille sur un second livre qui devrait s'appeler l'Analphabète qui savait compter, et qui nous promet là encore quelques barres de rires.