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Suzane

Nous avons eu la joie de voir Suzane sur la scène des Arcs à Quéven. Cette chanteuse engagée sur de nombreux sujets, comme la condition de la femme, a su se démarquer dans l'univers musical actuel avec ses sons électro et ses danses démesurées.

Découverte sur You tube, grâce à sont titre "L'insatisfait" qui a dépassé les 2 millions de vues, sa carrière a vite démarré. Critiques presse et artistes musicaux ont déjà flashé sur elle. Et nous aussi !

Découvrez l'excellente interview de Suzane réalisée par Angelina.

 

Vous avez fait 15 ans de danse classique, notamment au Conservatoire, pour vous quel a été le déclic pour passer à autre chose ?

Quand je suis entré au Conservatoire, je devais avoir 7 ans. J'ai commencé la danse dans un petit village à la base car ma grande sœur y allait déjà. Ma mère m'a accompagné un jour pour aller la voir et je me suis dit : " Houa, je veux le faire ". Après 7 ans, j'ai demandé à ma mère de pousser la porte du Conservatoire d'Avignon qui était plus technique et où j'allais avoir une formation plus complète. J'ai passé l'audition et je me suis retrouvée en danse étude à 10 ans. Ensuite, on te refait passer une audition pour entrer au collège, et je suis entrée au Conservatoire en faisant le cursus dance/étude, c'est-à-dire l'école le matin et l'après-midi la dance de 13h à 19h tous les jours sauf le dimanche. 

Ça a duré jusqu'à mes 17 ans donc 10 ans dans le Conservatoire. A un moment donné, tout ça m'a étouffé et en plus, j'ai perdu un ami malheureusement au cours de danse, ça a été dur. Ce qui fait que ce n'était plus le bon endroit pour m'épanouir. Entre-temps, j'ai commencé à chanter par hasard entre deux cours car c'était parfois très stressant. Je m'amusais à chanter dans les vestiaires et j'ai découvert que j'avais une voix. Ça a été une période dure mais j'avais une autre manière d'expression qui était le chant. J'ai lâché la barre classique pour aller danser dans des clubs et c'est là où j'ai retrouvé la liberté de danser comme je voulais, sans avoir le pied tendu, le sourire, la main au bon endroit... J'ai pu me retrouver.

 

Aujourd'hui la musique électronique tient une place prépondérante dans le domaine musical, mais beaucoup trouve ce style limité sur scène. Alors que pour vous les critiques sont assez élogieuses, est-ce que cela vient-il de la danse et du rapport avec l'espace scénique ?

Peut-être, peut-être. Aujourd'hui, la musique électro a souvent tendance à être décrite comme froide et assez limitée, mais moi je trouve que c'est une musique très fédératrice. On peut réussir à faire danser des gens juste par l'énergie de cette musique et je suis assez contente que des gens ne se restreignent pas, en se disant : " Ok, c'est de l'électro ce n'est pas pour moi ". Je pense d’ailleurs, qu'ils y en a beaucoup qui se disent " Suzane c'est de la chanson française électro ça ne va pas être pour moi ". Mais au final, ils ressortent du concert en me disant : " J'écoute pas du tout d'electro mais avec le texte et le visuel j'arrive à comprendre cette musique ". Je suis assez contente de ça.

 

Pour vous, que représente la musique électro dans le domaine musical depuis ces 20 dernières années ?

Je pense que c'est une musique qui représente bien notre époque et je pense qu'en France nous avons de gros ambassadeurs, comme Daft Punk et des DJ internationaux assez réputés. L'électro pour moi c'est déjà une marque un peu française, c'est aussi pour ça que je l'utilise et je pense que c'est aussi une musique qui va traverser les générations.

 

On a le sentiment que pour vous tout va très vite, des grandes salles comme aujourd'hui, des festivals comme les Francofolies vous ont déjà programmé, est-ce que cela vous met une certaine pression sur les épaules ?

Bien sûr, c'est ce qu'on cherche. Lorsqu'on sort un projet. L'art a toujours fait partie de ma vie et le karma a fait que j'ai écrit mes chansons à cet instant précis et que j'ai ouvert le rideau. J'ai eu un très bon accueil, c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de travail avant de l'ouvrir, mais à ce moment-là j'ai eu un bon accueil et j'ai gagné la confiance des programmateurs assez vite. Ils ont été intrigués par ce que je proposais sur scène. C'est une sorte de récompense, de reconnaissance pour moi de pouvoir évoluer sur scène, peaufiner mon show et rencontrer des gens car il y a une autre dimension lorsqu'on rencontre les gens en live, en vrai. 

 

Pouvez-vous nous parler de l'importance que vous accordez à vos clips ?

Je pense que le visuel aujourd'hui est quelque chose qui va avec la musique. J'aime découvrir un artiste en regardant ses visuels, j'en apprends plus sur lui. J'aime mettre en avant la danse dans mes clips car je trouve que cela apporte un esthétisme assez fou. Je trouve que ça représente bien le projet d'aller mettre des images sur des chansons mais c'est un exercice difficile car il faut bien s'entourer, choisir le bon réalisateur, quelqu’un qui te comprenne.

 

Quel a été votre premier sentiment lors de vos premiers concerts ? Est-ce que vous avez des anecdotes particulières ?

Quand je sors un clip, je vois les commentaires etc, donc on a les retours des gens. Mais quand on les rencontre, il y a une interaction, ce petit truc en plus de les voir en vrai et c'est ce que je recherche lorsque je fais du live. Il y a ceux qui connaissent les paroles, c’est super touchant et il y a ceux qui découvrent, qui au début sont vachement intrigués mais qui commencent à se reconnaître dans les morceaux ou reconnaissent leurs amis, c'est assez marrant de le voir quand je suis sur scène.

 

La critique a été très positive à votre sujet. Les médias sont de plus en plus à l'aise avec les artistes français dans le domaine du rock, du rap et dans le vôtre : l'électro.

Est-ce qu'on peut dire qu'il y a une évolution de la culture musicale française ces dernières années ?

Oui, je pense que le paysage musical est en en train de bouger, beaucoup. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup plus de femmes et je trouve ça très cool. 

Elles peuvent prendre la parole sur des sujets communs ou différents, par exemple sur le harcèlement. Il a beaucoup de femmes qui écrivent là-dessus de façon différente. Tout le monde commence à un petit peu à casser les codes aujourd’hui, le rappeur chante et le chanteur rap. Je pense que c'est notre génération, on a écouté tellement de chose sur internet, on a accès à la musique tellement facilement donc on casse les codes. Et je pense que si j'étais arrivée il y a 10 ans ça n'aurait peut-être pas marché pour moi car on n'était pas encore dans cet air de pluridisciplinarité de vouloir allier chant, écriture, danse… Des gens ont ouvert ce chemin-là, notamment Stromae, on me compare à lui et je trouve que c'est une très belle référence. Il a emmené des choses plus singulières, mais aussi avec Christine And the Queen. Ils ont ouvert des portes.

 

Récemment, vous avez chanté " Il est où le SAV " avec Témé Tan qui parle de la pollution et du réchauffement climatique, c’est un sujet important pour vous?

Je suis complètement heurtée par ça. Moi dans mon quotidien de citoyenne de voir les plages que je fréquentais quand j'étais enfant et quand je rentre, je vois des sacs plastiques, des mégots de cigarette... Et c'est en arrivant en Chine, j'ai eu la chance de faire une tournée en Chine, je n’y voyais plus rien avec la pollution. Je me suis dit " Ils en sont arrivé là, eux ", donc c'est quand même qui s’abîme et si un jour la forêt Amazonienne est complètement détruite on le sentira aussi. J'ai commencé à écrire ces paroles dans le bus en me disant " Il est où ce SAV ? " et pour moi ce SAV c'est un peu nous tous, c'est la nouvelle génération mais aussi nos parents qu'on doit parfois éduquer car ils ont un autre rapport à la consommation. Cette chanson me donne de l'espoir, moi j'ai de l'espoir et je suis sûr qu'il y en a plein d'autres qui ont l'espoir de pouvoir changer les choses.

 

Sur le titre " SLT ", vous êtes très engagée dans la cause des femmes, c’est important de s’engager, de prendre position dans sa musique ?

Il y a de tout sur mon album il peut y avoir de la musique engagée car ce sujet-là m'a profondément heurté donc il faut que j'écrive là-dessus. Après, il n'y aura pas que des musiques engagées mais je me sens à l'aise dans ce genre de message. J’aime bien utiliser la musique qui pour moi est un énorme pouvoir pour soulever des questionnements, créer un débat entre les gens.

 

Comment êtes-vous dans la vie de tous les jours, est-ce que vous avez d'autres passions ? Comment est votre quotidien ?

La musique prend beaucoup de place dans ma vie et je n'ai pas d'autre passion, je pense musique du matin au soir, j'ai toujours des musiques dans le crânes. Mon quotidien c'est d'être sur la route, de prendre 3 trains par jour, bouger un petit peu partout en France et je découvre mon pays. La Bretagne, j'y suis allée que cette année par exemple. Et je vois qu'aux 4 coins de France les gens payent leurs tickets et on passe un bon moment. C'est ma vie, c'est faire toute cette route pour arriver jusqu'à vous.

 

Si on vous demandait de fermer les yeux et d'imaginer la suite de votre carrière, ça donnerait quoi ?

J'essaye de ne pas faire trop de plans sur la comète pour éviter d'être déçue car quand j'ai lancé ce premier clip de " l'Insatisfait " sur internet je ne savais pas du tout ce que ça allait donner, je ne m'attendais pas à ce que ça fasse 2,3 millions de vues, donc j'essaye de prendre les choses comme elles arrivent et ce qu'on peut me souhaiter : c'est que ça dure longtemps. Si je pouvais faire ça jusqu'à mes 80 ans ce serait super. J'aimerais continuer d'écrire des chansons et peut-être écrire pour les autres, car je commence à avoir des demandes d'artistes  qui s'intéressent à ma plume comme Calogero même si ce n'est pas encore acté. Matthieu Chédid m'a invité à faire ses Zénith mais aussi son Bercy par exemple. Les anciens commencent à valider mon projet et se retrouver sur scène avec eux, c'est fou.

 

Interview signée Angelina, Photos de Mr G