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Monsieur Fraize aux Arcs

Samedi 30 novembre, Monsieur Fraize jouait son spectacle aux Arcs de Quéven. Cet humoriste de 45 ans porte en réalité le nom de Marc Fraize. Il commence la scène en amateur à 18 ans dans un club de théâtre et devient professionnel à l'âge de 26 ans.

Sa carrière prend son envol lorsqu’il participe à l’émission: “on n’demande qu’à en rire” sur France 2.

Mais c'est sur scène que Monsieur Fraize aime se produire. Garlonn et Flavie ont vu son spectacle et ce ne sont pas les synonymes qui manquent pour décrire ce qu'elles ont vu, tant le personnage va loin dans la dérision et l'humour burlesque.

Pour couronner le tout, Hugo a géré une excellente interview où Monsieur Fraize nous explique son univers et sa vision de l'humour en tout simplicité, classe.

 

 

Bonjour Marc Fraize comment ça va ?

Super bien je suis à ma base là après 2 jours de tournée. Je suis dans ma maison de campagne avec ma famille. J’ai besoin de me ressourcer, moi je ne veux pas jouer plus de deux ou trois fois dans la semaine. J’aime bien créer un vrai rendez-vous pour avoir la même envie de monter sur scène chaque soir. Surtout parce que je ne suis pas jeune et que le spectacle est assez physique et ça me permet d’avoir le temps de profiter de ma femme, de mes enfants et de mon chien. Donc le travail 5 jours par semaine, à moins qu’on me mette un fusil sous la tempe je n’en veux pas.

 

Avant de vivre de l’humour tu faisais comment ?

Je faisais le groom dans les hôtels de luxe, je gagnais bien ma vie parce que j’avais beaucoup de pourboires, mais le problème c’est que c’était des horaires de fou: 9h par jour à porter un costume et à faire toujours la même chose. Mais surtout, je ne pouvais pas créer et m’exprimer c’est pour ça que j’ai cherché à faire autre chose.

 

Comment as-tu fait pour préparer tes sketchs ?

J’habitais à Lyon et il y avait beaucoup de cafés théâtres. J’ai donc commencé par trouver mon style, je voulais aller à l’encontre de la mode du stand-up avec des humoristes qui ont de l’assurance sur scène. Du coup je me suis dit que si je voulais me démarquer il fallait que je fasse celui qui n’assure pas, donc j’ai trouvé ce personnage fragile et maladroit en scène.

 

Qu’est-ce que tu as à dire à tous ces humoristes qui disent que les sketchs avec des personnages c’est démodé ?

Qu’ils se trompent complètement, c’est pas mort du tout, c’est juste qu’il faut que tu ais envie de le faire. Si ça vient de toi, que t’as une curieuse envie et qu’en plus le personnage a des choses intéressantes à montrer et à dire, il y a aucune raison que ça ne marche pas. C’est juste que le stand-up est beaucoup plus accessible. Le personnage il faut déjà avoir une vocation pour jouer la comédie, après il y a aussi le mélange des deux. Par exemple, mon amie Blanche Gardin, elle, elle est entre les deux. Elle n’aurait pas le succès qu’elle a si elle arrivait comme n’importe quel Stand-Upper sur scène, sans avoir un style bien à elle.

Alors évidemment, je conseille d’aller chercher en soi. Mais ça n'empêche pas d’être influencé par les uns et les autres. Ce qui est sûr c’est que le public sait quand ça vient de toi ou si tu fais tourner un disque.

 

 

Ton personnage a évolué entre l'émission On N’Demande Qu’à En Rire sur France 2 et dans le spectacle ?

Oui parce-qu’à Queven mon personnage était particulièrement colérique, parce que mon personnage je le laisse faire, et puis parfois mes humeurs ressortent donc je me laisse de temps en temps être plus enfantin ou plus colérique. Et en l'occurrence, sur France 2, en un an, j’y suis allé le moins possible, pour toujours surprendre et il n’y avait pas que le personnage enfantin. Par exemple, mon 8ème passage j’ai fait un sketch ou je vanne tous les juges un par un. Pour leur prouver que je ne suis pas juste quelqu’un qui ne dis rien. Je suis aussi quelqu’un qui peut avoir les nerfs, quelqu’un qui peut être prétentieux, en fait, je suis un humain quoi avec ses défauts. C’est sûr que lorsque l’on est en scène, on peut se permettre d’aller plus loin dans la méchanceté, dans la dureté, plus qu’en télé où tout est sous loupe et on a moins le temps de se lancer dans des terrains dangereux. Moi sur scène, j’ai le droit de tout dire car j’ai un personnage, à l’inverse des mecs comme Dieudonné où lui justement on n’est pas sûr que ça soit un personnage quand il est sur scène et qu’il va parler des Juifs ou autre, mais de toute façon il a le droit de tout faire sur scène, car la scène doit rester une totale liberté. Après c’est dans les médias qu’il faut se méfier, parce que très vite, on te retire un petit extrait qui peut être transformé et se retrouver sur les réseaux. Mais, en l'occurrence chez Ruquier, je ne leur montrais jamais mes sketchs avant et il me laissait faire tout ce que je voulais.

 

Pourtant tu as fait le choix de ne jamais être vulgaire?

Ouais, parce que j’ai un public qui est de tout âge. Je serai très malheureux d’être vulgaire ou trash gratuitement devant des enfants. La vulgarité est un truc qui est très à la mode en ce moment. Tout le monde le fait, donc il n’y a plus d’originalité dans la vulgarité.

 

Monsieur Fraize dit souvent qu’il n’aime pas travailler et qu’il se force à aller sur scène pour se payer des Granola, c’est aussi le cas dans la vraie vie?

Ce qui est sûr c’est que je fais ce métier parce que je l’aime, j’ai une vocation et j’en profite. Mais je refuse de me donner totalement à mon travail car ma famille est importante aussi et en plus très vite on peut se retrouver absorbé par ce métier, on peut vite prendre la grosse tête et je me suis toujours protégé de ça. Moi si demain je dois faire autre chose je fais autre chose. C’est juste que c’est exceptionnel de pouvoir gagner sa vie avec votre passion. On n’est pas nombreux à aller au travail en se disant : “aujourd’hui je vais encore vivre quelque chose de spécial !”

 

Comment se passe une séance d’écriture avec Monsieur Fraize?

C’est très rare car j’écris peu, quand j’écris j’ai pas besoin de poser de texte il me suffit de noter une phrase, moi j’ai plus écrit autour de mon personnage en cherchant: Qu’est-ce qu’il a dans sa tête? Avec qui il vit? Pourquoi il a peur du noir? J’ai plus écrit autour de ça, que des vannes et un spectacle. J’ai juste une trame et derrière, le personnage est très libre, parce que je connais tout de lui: sa grammaire, sa façon de parler et de se mouvoir et du coup je peux lui faire confiance. Bon, maintenant, je suis en train de travailler un deuxième spectacle là pour Avignon, qui va s'appeler Madame Fraize et là, mon personnage va vivre autre chose que ce qu’il vit depuis une quinzaine d’année. Là il est un peu chez ses parents et puis je vais le mettre en scène où il vit avec une femme, donc sa vie va être chamboulée.

 

 

T’as vraiment une philosophie de l’humour différente de tous les humoristes actuels. Ils privilégient le verbe et toi le personnage...

Oui, mais le verbe c’est important, Blanche Gardin l’a bien prouvé. Elle a une écriture très fine. Le verbe c’est important, mais ce n’est pas la quantité de verbe qui compte, c’est la puissance du verbe. C’est bien de faire une vanne, mais si le spectateur le lendemain n’y pense jamais, c’est dommage. Alors que moi je pense que lorsque je joue un soir, le lendemain la mère de famille qui m’a vu et qui va aller choisir les gâteaux pour ses enfants elle va avoir une petite pensée pour moi. Mais c’est générationnel. Aujourd’hui tout le monde croit qu’il n’y a qu’une recette, qui est : avoir un maximum de vannes et un rire toutes les 4 secondes. C’est bien, mais ça beaucoup de gens le font.

 

Tu joues beaucoup avec les silences et le rythme pour faire rire...

Oui mais ça c’est parce que j’ai pris cette route-là, il y a 15 ans déjà et que je commence à connaître la musique, un spectacle d’humour c’est une musique. Si tu mets un silence mais qu’il est trop court, il sert à rien, à l’inverse s’il dure une seconde de trop ça peut en devenir gênant. Moi si j’arrive dans “on n’demande qu’à en rire”, la première fois, où je fais des silences interminables et si je joue et que mes silences ne sont pas habités, si je ne me fais pas des réflexions du genre “olala je suis avec Ruquier, à la télé, y a des projecteurs, des lumières”, dans ce cas-là, le silence est vide, superficiel et il n’intéresse personne.

Donc quand je suis allé chez Ruquier, l’écriture elle était : “il arrive sur scène, il est impressionné, il pense à sa mère qui le regarde à la télé...etc” C’était de l’écriture invisible.

 

Par quoi tu voudrais conclure notre discussion ?

En tant qu’humoriste on ne doit rien s’interdire et les progrès on les fait dans la sincérité de ce qu’on a choisi. C’est ce deal là qu’il faut accepter pour être humoriste. c’est un très chouette métier, on peut vraiment y trouver son compte mais on ne peut pas mentir. Une fois que tu as trouvé ton personnage il faut trouver ce que tu as à raconter. Là tu vois on pourrait se dire “mais Monsieur Fraize nous a rien raconté!”. Le public n’en a pas toujours conscience, parce que je leur ai raconté pleins de choses ce soir-là, je leur ai dit: “ regardez ce que ça fait la peur sur les gens, regardez ce que ça fait de rester trop enfermé chez soi, regardez à quel point on adore consommer.” Je leur montre des choses et les metteurs en scène les plus aguerris te diront tous : “t’as beau faire marrer, qu’est-ce que tu as à nous raconter, il faut que tu nous parle de toi.” Sincèrement, je pense que tout est possible sur scène et ça se voit dans le paysage humoristique. Il n’y a pas que du stand up. Alors forcément le stand up noie un peu le reste, mais y a pleins d’autres choses, d’autres formes d’humour.

 

L'avis de Garlonn

Durant son spectacle, on apprend à connaitre son personnage: Monsieur Fraise, un personnage farfelue, onirique. On le reconnaît à sa tenue: son polo rouge et son jean vert. Il se présente comme étant timide et victime des blagues de son régisseur: Michel, qui lui met dès l'intro la mauvaise musique.

Pourtant, au fil du spectacle, on le découvre: il nous présente sa passion : étudier les catalogues publicitaires des supermarchés et les promotions qui y sont les plus intéressantes. Ill les retient toutes, ainsi que les images et la présentation qui peut changer.

Il nous explique aussi ses anecdotes, la relation qu’il entretient avec sa maman et qui par des coups de téléphone imaginaires, ou des anecdotes, deviens un vrai second personnage, très complice, et c’est avec elle qu’ils critiquent le monde.

Il y a un vrai jeu avec le public, qui est pris à la fois comme assistant mais aussi comme ennemis car il est complètement parano, et n’a pas confiance lui, il craint même qu'une personne lui vole ses affaires.

Durant 2 h, Marc Fraize, nous emmène dans un univers irréel, farfelu, qui durant le temps du spectacle, va nous faire oublier la réalité. Il utilise l’humour absurde par des effets d’attentes, des jeux avec le public en le prenant à partie et en l’incitant à participer en lui prêtant des objets ou en venant l’aider sur scène. Le rythme du spectacle change au fur et à mesure que l’on découvre ce personnage, le spectacle va crescendo.

On passe de l’humoriste timide qui chuchote à celui en pleine forme qui danse. Sur scène, Monsieur Fraize joue aussi beaucoup avec le fait qu’il ait de la chance que l’humour soit son véritable travail, ce qui révèle la situation parfois contraignante des artistes.

Par ces procédés, Monsieur Fraize remet donc en cause les règles et les normes du stand up. Contrairement à la majorité des humoristes, il ne cherche pas à se moquer de nos sociétés par un regard confiant et hautin mais au contraire, nous montre la fragilité et l’hilarité de nos défauts, en les incarnant dans son personnage.

C’était un très beau spectacle et j'attends de voir ses prochains spectacles!

L'avis de Flavie

Son spectacle commence par 5 minutes de « blanc »  où il mime et articule sans que de sons ne sortent de sa bouche. Par la suite, tout au long de son spectacle, il empruntera une voix et des mimiques particulières pour interpréter un personnage, qui semble avoir des doutes, être hésitant, non sur de lui…etc.

Nous allons aussi découvrir un personnage atypique, de part ses réactions inattendues, surprenantes et excessives, ou même parfois stupides. Il va prendre comme éléments directeurs de son spectacle, la sortie de secours de la salle, une pub de magazine Carrefour où y figure des promotions…etc.

Personnellement, je ne suis pas très fan de ce genre d’humour. On pourrait qualifier ce type d’humour comme « humour spécial », « stupide » et « ridicule » (même les personnes ayant appréciés le qualifient ainsi : c’est donc ce type d’humour qui veut ça).

C’est le genre d’humour où l’humoriste, en ne faisant rien, va faire rire le public de part une gestuelle exagérée, limite stupide ; ce qui revient selon moi, à se moquer des gens. Par ailleurs, il est vrai que j’ai quand même rit et apprécié certaines parties de ce spectacle ; notamment, par exemple, le passage sur les produits Dove : « lot de deux Dove, de marque Dove ».

De plus, même si mon avis est assez mitigé, j’ai trouvé intéressant de découvrir un autre type d’humour et ainsi découvrir un autre univers humoristique.