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Guillaume le Maréchal

 

 

 

En 1973, Georges Duby, historien médiéviste de renom, écrivait Le Dimanche de Bouvines, qui marquait durablement la façon d'écrire l'histoire médiévale et l'histoire en particulier. Onze ans plus tard, et après d'autres publications, c'est la vie de Guillaume le Maréchal qui fait l'objet d'un ouvrage.

 

 

 

L'ouvrage débute par les derniers moments du Maréchal. On observe notamment, comment meurt un chevalier du XIe siècle. Au long de sa lente agonie, le vieil homme (il a plus de 70 ans) fait les préparatifs de sa mort, dilapidant ses biens, répartissant son héritage, afin de partir en paix avec Dieu. Bref, celui que Philippe Auguste, pourtant à cette date (1219) son ennemi, appellera « le meilleur chevalier du monde », est parti comme il a vécu, en parfait chevalier. Une fois passé le trépas, interminable comme se devait de l'être une belle mort, qui fait l'objet du premier chapitre, voici que l'auteur nous fait le récit de la vie de Guillaume. Né dans les années 1140, il n'est qu'un fils cadet de noble, Jean, lui-même fils de Gilbert, maréchal d'Henri Ier d'Angleterre, fonction qui restera comme patronyme dans la famille. Parti donc de la moyenne noblesse, Guillaume parvient à se faire un nom dans la haute société médiévale de l'époque, autant en Angleterre qu'en France. Davantage tournoyeur que réel militaire, ses faits d'armes (à sa mort il se targue d'avoir réussi dans sa carrière à capturer 500 chevaliers) lui valent une gloire telle que nombreux sont ceux qui le veulent comme compagnon de mêlée. Chargé de l'éducation du fils du roi Henri II, il mène celui-ci de tournois en tournois dans la moitié nord de la France, tournois dans lesquels l'équipe d'Angleterre, menée par Guillaume, acquière une importante renommée. Il part également deux années en Terre-Sainte, accomplissant ainsi le pèlerinage guerrier qui fait de lui un bon chrétien et justifie qu'il soit inhumé dans l'Eglise du Temple de Londres, enveloppé dans les armoiries des templiers. Il se fait connaître pour sa probité extrême, toujours au service de son suzerain direct plutôt qu'à celui de son roi, qui lui pardonne ses écarts puisque ceux-ci sont justifiés par l'honneur. De fils en aiguille, Guillaume, sorte de self made man médiéval, devient un incontournable. Son mariage tardif avec la fille unique d'un grand noble anglais, fait de lui l'un des premiers seigneurs du royaume. L'amour en effet n'a d'égal que le poids de la dot qui l'accompagne... A plus de 70 ans, alors que sa progression politique l'a mené à la régence d'Angleterre (Jean Sans Terre, qu'il haïssait profondément, viens de mourir et Henri III n'a pas plus d'un an), on le voit encore sur le champ de bataille. En 1217 en effet, le Maréchal porte encore le regret de son absence à Bouvines en 1214 (voir Le Dimanche de Bouvines). On affirme même, que Philippe Auguste ne doit la victoire qu'à l'absence du vieux champion... En 1219, le héros qui agonise a donc connu de son vivant le règne de sept rois d'Angleterre, parmi lesquels un certain Richard Coeur de Lion...

Georges Duby, historien médiéviste

A travers la vie de Guillaume le Maréchal, Duby explore toute une sociologie de la caste guerrière. Ce destin hors du commun n'est qu'une illustration de ce qu'est la société noble d'alors et un faire-valoir à l'écriture d'une histoire sociale. A lire aussi comme un roman épique, cet ouvrage s'appuie notamment sur l'Histoire de Guillaume le Maréchal, oeuvre de près de 20 000 vers, commandée par son fils, Guillaume le Jeune après la mort de son père pour glorifier la mémoire de celui-ci. Néanmois, du nom du Maréchal, seule cette oeuvre perdure puisqu'aucun des cinq fils de Guillaume le Maréchal n'aura de descendance. Feu Duby, historien à la plume d'or, sait parfaitement écrire et nous épargne grâce à son style, les lourdeurs que l'on peut trouver parfois dans les livres d'histoire. Livre véritablement passionnant, à lire avec son diptyque Le Dimanche de Bouvines, qui à eux deux changent la perception de la caste des chevaliers, de la guerre et du tournoi au milieu du Moyen Age, polluée par l'imaginaire que véhiculent les standards hollywoodiens.