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Premier Sang

 

 

 

  

Joe Abercrombie publie La Première Loi en 2006 (édité dans la version française à partir de 2010). C’est le point de départ d’une trilogie passée assez inaperçue, noyé qu’est le monde de la fantasy sous les flots d’écrits sans saveur de la fantasy alimentaire destinée aux jeunes acnéiques fans de World of Warcraft… L’auteur, un illustre inconnu jusque-là, nous livre son premier roman.

 

 

L’intrigue se déroule dans un monde somme toute classique de fantasy, environ une dizaine d’années après une guerre qui a opposé l’Union (le pays dans lequel se déroule la majeure partie de l’histoire) à l’empire Gorkhul (ouais je sais c’est moche mais c’est comme ça), soldée par la victoire de l’Union.

Le système de chapitre, qui permet au lecteur de suivre simultanément plusieurs histoires parallèles, est similaire à celui du Trône de fer de Martin. On suit ainsi initialement trois personnages principaux, auxquels s’ajoutent d’autres personnages au cours du récit. Figures assez inhabituelles et loin des archétypes du genre, les trois héros sont d’anti-héros par excellence. Nous suivons ainsi Logen « neuf-doigts », un farouche guerrier nordique, exilé et pourchassé par le roi des peuplades du nord. Logen, s’il traine derrière lui un passé qui justifie son surnom de « Sanguinaire », voit ses meilleurs jours s’écouler peu à peu derrière lui, atteint par les affres d’une vieillesse naissante. Il va néanmoins être contacté par Bayaz, un mage illustre, et se mettre à son service. Glotka, lui aussi anti-héros au possible, est un membre de l’Inquisition royale. L’institution en question étant ce qu’elle est, Glotka sait, avec ses deux sbires, faire preuve d’une certaine forme de… persuasion pour faire parler les gens à propos de ce qu’ils ne savaient pas. Glotka, personnage éminemment sarcastique, est le seul dont les réflexions sont retransmises à la première personne. Il traine également derrière lui un passé singulier puisqu’ancien grand champion d’escrime de l’Union, il a longtemps été torturé lors de la dernière guerre. Il souffre donc de lourdes invalidités, souvenirs cuisants de cette période. Figure plus classique peut-être, le dernier des personnages principaux est Jezal, un jeune nobliau bouffie d’orgueil et de prétention. Jeune fils à papa, Jezal se prépare à concourir pour le Tournoi d’escrime annuel qui doit faire de lui un grand du monde.

Ces trois personnages, qui ne se connaissent initialement pas, vont voir leur trajectoire converger et leur destin se rencontrer, lorsque les peuplades du nord entrent en guerre contre l’Union. Guerre au nord donc, et le Gorkhul qui s’agite également, mu par un désir de vengeance. Guerre(s ?), mais également intrigues de cour, car l’Inquisition joue, dans tout cela, un jeu à part, en vue de son seul intérêt. Le roi de l’Union en effet, vit une vie de plaisir et de paresse, laissant les différents conseillers (et parmi eux, le chef de l’Inquisition) se partager les prérogatives du pouvoir…

Premier point négatif, on a pris l’habitude depuis Tolkien d’avoir des cartes en début ou fin des ouvrages de fantasy. Ce n’est pas le cas ici, ce qui nuit parfois à la clarté des choses. D’autant plus qu’il est tout de même beaucoup question de voyages, de politique extérieure et de déplacements en tous genres. Pour le reste, inutile de préciser qu’on reconnait là bon nombre d’éléments qui font le succès du Trône de fer. Les guerres entre les différents royaumes, la capitale, Adua, décrite exactement comme l’est Port-Réal chez Martin, le système de chapitres, Glotka (vous avez dit « Tirion » ?) et surtout les intrigues de cour, éléments fondamentaux du Trône de fer. Tout cela, nous le connaissons donc, et nous l’avons déjà lu… en beaucoup mieux. Néanmoins, loin de moi l’idée de cracher sur Joe Abercrombie ! Malgré une première centaine de pages assez laborieuses, une atmosphère qui n’a pas du tout la même emprise que celle du (si parfait) modèle, et certains clichés qui ne nous sont pas épargnés, nous sommes assez vite plongés dans cet univers somme toute bien ficelé. Alors La Première Loi, un premier roman rappelons le, s’il pourrait titrer « Le trône de fer en moins bien », reste tout de même une lecture très agréable. Après tout, il y a des recettes qui marchent… 

Joe Abercrombie l'auteur de "La Première Loi"