Vieilles Charrues 2011 - Conférences du samedi


 

C'est encore et toujours sous la pluie (malédiction bretonne) qu'a commencé ce troisième jour à la programmation chargée. Bravant le froid et la grisaille, tout le monde était au rendez‐vous pour Yannick Noah, Angus et Julia Stone, Aaron, Supertramp, Cypress Hill et plein d'autres...

 

Yannick Noah

Pour la deuxième fois, le chanteur idolâtré des français foule la terre carhaisienne. Son passage en 2007 lui avait laissé une forte impression comme un festival de connaisseurs et de motivés. Les Vieilles Charrues restent donc un rendez-vous particulier à ses yeux. Il se souvient qu 'avant de monter sur scène, en entendant l'introduction et entrant, il avait été stupéfié par la foule et le nombre de drapeaux bien qu'il n'ait le trac que s'il n'est pas préparé (pas de superstition mais des exercices simples pour la voix et la concentration), de peur de ne pas pouvoir se donner à 100%.

Ce qui compte le plus pour Noah, c'est la réaction du public, il « joues pour les gens » par exemple, même si une chanson le fait moins vibrer, si le public lui renvoie beaucoup d'énergie,qu'importe! Sa chanson la plus personnelle reste néanmoins « Simon Papa Tara » en hommage à son grand‐père. Pour autant, le chanteur a beaucoup évolué comme ceux qui l'écoutent. Si ses premiers albums étaient centrés sur ces racines, le dernier est plus politique notamment sur la question des frontières. Bien qu'il soit engagé sur le terrain, l'artiste pense que ses chansons disent juste ce qu'il pense. Son public, de « gens qui n'écoutaient pas sa musique » puis de parents la faisant découvrir à leurs enfants à, aujourd'hui, beaucoup de femmes et de filles (« Pourvu que ça dure » dixit lui). Du coup ses chansons s'adressent à la fois aux plus jeunes sous la forme de comptines mais aussi aux adultes à travers des sujets plus graves.

On lui a fait remarquer son peu de présence en Afrique qu'il explique par le peu de festivals organisés et le fait qu'il ne soit pas beaucoup invité. Il est « trop noir en Europe mais trop blanc en Afrique » et se retrouve à jouer devant des européens dans son continent d'origine. Pour autant, il est plus que partant pour Bamako.

 

Misteur Valaire

Ce groupe de 5 amis d'enfance québécois (et oui, l'accent est bien là) en est aujourd'hui à sa 5ème tournée mais leur 3ème album n'est sorti qu'il y a 1 an. Groupe décidément tourné vers la scène et très expérimental, il est passé du jazz ( premier album « Mr. Brian » à 16-­‐17 ans), à l'électro ( « Friterday Night ») à la pop, hip-­hop...(« Golden Bombay ») Ces touche-­à-­tout ont reçus plein de prix et utilisent à fond la collaboration francophone, avant de viser la Belgique, l'Allemagne, l'Asie et les États-­Unis. Incroyable destin que celui de ses originaires de Sherbrook, descendu à la grande ville, Montréal, pour percer. Pour autant, ils se considèrent plus québécois que canadiens bien qu'ils aient conscience de la difficulté d'avoir un grand public quand la population de tout le Québec équivaut à celle de Paris.

Ces petits jeunes se sont donc fait remarquer par leur gratuité assumée, incitant le public à télécharger leur album sur leur site plutôt que l'acheter. Cette approche totalement nouvelle a pour but de faire voyager leur musique pour que leur spectacle puisse voyager aussi. Ce modèle, spécialement adapté pour ce groupe qui pense que la scène permet de vivre vraiment le projet, a inspirés d'autres artistes dans un milieu en pleine remise en cause qui a besoin d'être créatif et de se renouveler. Pour autant, d'après eux, aucun média n'est négligeable et il faut s'appuyer sur tous sans en oublier.

Dans l'électro, l'univers visuel est de plus en plus important, c'est pourquoi ils ont monté, au Québec, un spectacle avec décors et mise en scène mais les Carhaisiens ne pourront pas en profiter. Ce n'est pas une grande perte, l'énergie des 5 amis et leur auto-­dérision suffiront à assurer le spectacle sans ornements. Cette dérision vient de leur amitié ancienne et leur permet de ne pas se blaser ni de se prendre au sérieux, ce qui rends le spectacle encore plus intéressant.

 

Aaron

Le concert d'Aaron été électrique, la foule portée par leur musique mélancolique mais énergique. D'après eux, c'était dû à l'ambiance « festival », qui conditionnent les gens à passer un bon moment. De plus la Bretagne donne et prends beaucoup en concert, on sent une énergie présente et prête à exploser. Ce qu'on gagne en ambiance, on le perds malheureusement en intimité par rapport à une salle. Le duo a donc adapté leur set aux festivals , faisant « monter la sauce » sur les derniers morceaux avec un tempo lent mais puissant. Ce changement en fonction du public et de son nombre sont pour les deux compères une chance d'improviser, de ne pas s'ennuyer et de partager plus.

A propos de leur musique, ils nous ont expliqué qu'ils avaient l'entière maîtrise de tous les étapes de l'album, de l'inspiration à la production. Le fait de revêtir toutes les casquettes fonctionne très bien, ils s'épanouissent dans l'absence d'horaires, de surveillance et de contraintes. C'est pour eux une façon plus ludique, plus créative et plus artisanale de vivre la musique.

Toutes leurs chansons sont écrites de façon à ce que le texte porte la mélodie et vice-­versa ce qui a pour effet des chansons très imagées à l'adaptation en clip délicate. Un clip peut en effet enfermer ou ouvrir une chanson de même qu'en concert, il travaille des lumières peut porter.

Sur le festival, leurs conseils sont The Shoes, PJ Harvey, Asaf Avidan & the Mojos. De même pour les albums, leurs coups-­de-­coeur sont le premier album de Bon Iver, ceux de Timber Timbre et de Feist . A écouter pour les fans et les autres.

 

The Shoes

The Shoes sont avant tout des perfectionnistes que ce soit à la réalisation de leur pochette d’album ou à celle de leur clip vidéo, ils aiment laisser libre cours a l’imaginaire de leur public « On ne veux pas imposer, il n’y a pas une seule histoire, chacun est libre de comprendre ce qu’il a envie dans nos créations ». Cette recherche pointilleuse va même jusqu’au choix de l’ordre de leur piste de morceaux qui se réfère à l’ambiance que le public dégage au moment du live, produisant un effet crescendo, le laissant entrer dans leur univers progressivement . Eux même se surnomment « les chirurgiens de la musique » au point que lorsqu’ils créent un morceau, celui ci se retrouve avec 10/12 versions.

Pour autant ils ne chantent pas eux même et préfèrent laisser leur chanteur créer ses propres paroles pour que cela « donne plus d’impact » et « est un réel sens pour celui qui le chante » .Ca ne les dérangent donc pas de s’occuper d’autres artistes. Ils ont par exemple aidé à la création du tube de Shakira « Loca » mais le plus important dans cette collaboration a été de découvrir le grand appétit de la bombe latino.

Ils privilégient l’ambiance a la musique, en qualité de « gros fêtard » ce qui rends leurs concerts très vivants.

 

Ibrahim Maalouf

Le trompettiste nous a confié être honoré de jouer aux Vieilles Charrues, et d'être fier d'arriver à ce stade par ses propres moyens (il s'est, nous a-­t‐il dit, endetté de 30 000 euros pour la sortie de son album). Ibrahim a hérité du génie musical de son père, inventeur dans les années 60 d'une trompette destinée à jouer de la musique arabe. Cet artiste se fait plaisir en faisant de la musique et tient également à faire plaisir à son public. C'est pourquoi il distingue bien la musique qu'il propose dans ses albums (plus chargée de mélancolie et plus calme), et celle qu'il propose en festival (plus énergique et joyeuse). Cependant, Ibrahim a bien insisté sur l'importance qu'il accorde au silence. "On n'écoute pas assez le silence. On ressent toujours le besoin de le combler en parlant." Ce silence, il peut nous l'offrir en concert, au milieu d'un morceau. Son public suivra ou ne suivra pas. L'avenir le lui dira.

 

Réalisé par Anna et Elodie

 

 

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